L’aurélianus, illustré ci-après, présente un buste radié, drapé et
cuirassé, de
face, vers la droite (buste A) de Numérien Auguste pour l’atelier de
Lyon associé à la légende d’
avers IMP C M AVR NVMERIANVS
AVG. Il est absent du corpus de P.
Bastien et de ses deux Suppléments. Cet
avers inédit est couplé à un
revers de l’officine B (
PAX AVGG) qui présente une structure assez particulière: présence du rameau dans la césure entre A et X de
PAX et sommet du long
sceptre transversal tangent au V de
AVG. Elle permettrait, peut-être, de relier,
par identité de coin de
revers, cet aurélianus à une série produite
par un même graveur (à titre d’exemples
des auréliani assez proches sont répertoriés dans le corpus de P.Bastien sous les n° 479 et 509 a,d, pour
Carus et 539 e et 554 a pour Numérien) et d’en confirmer ainsi la place chronologique.
Cette effigie utilisée pour Numérien est une combinaison de son
portrait juvénile accompagné de la titulature initiale de son augustat avec un buste courant (drapé et
cuirassé de
face) utilisé normalement pour Carin. Ce nouvel
avers peut, à première vue, s’expliquer simplement
par une faute d’inattention d’un graveur produisant un
portrait de Numérien et l’associant à un buste réservé à Carin. Ceci pourrait laisser penser qu’une division du travail entre la gravure
des portraits et celle
des bustes proprement dits s’ajouterait à la répartition
des tâches entre la réalisation
des bustes et celle
des légendes.
Néanmoins, dans la mesure où une hiérarchisation protocolaire
des bustes sous ‘
Carus et sui’ semble avoir été assez rigoureusement appliquée, notamment à
Lyon, entre Carin, doté d’une préséance avec un buste drapé et
cuirassé vu de
face (buste A) et Numérien, il pourrait s’agir plus d’une ‘méprise‘ institutionnelle, vite corrigée, que d’une simple erreur de gravure.
Pour les auréliani de Numérien, le buste A est d’un emploi
rare et sporadique dans l’ensemble
des ateliers
monétaires, la norme semblant avoir été l’utilisation du buste drapé et
cuirassé vu de dos (buste A2) ou celle du buste
cuirassé vu de
face (buste B). En effet,
des bustes identiques drapés et
cuirassés vus de
face auraient pu indiquer une égalité de position entre les deux nouveaux Augustes à partir de l’été 283, ce qui n’aurait pas correspondu pas à la situation institutionnelle initialement instaurée
par Carus, donnant une antériorité et donc une primauté à Carin. A partir de la disparition de
Carus cette distinction
des bustes a généralement perduré, pratiquement sans changement en orient et avec, en occident,
des ateliers de
Lyon et de
Rome très stricts dans cette pratique de différenciation entre les deux frè
res. Celle-ci s’applique même, à
Lyon, aux bustes avec la lance sur l’épaule (drapé et
cuirassé pour Carin et
cuirassé pour Numérien). L’utilisation d’un même
type de buste pour les deux Augustes, Carin et Numérien, est donc cantonnée à
des séries principalement liées à
des événements de nature dynastique, notamment à
Rome (séries suivant la mort de
Carus) ou institutionnelle, tout particulièrement à
Siscia (émission SMS
XXI liée à la chute de Julien de Pannonie à la fin 283 et au consulat conjoint de Carin et Numérien débutant en janvier 284).
De façon plus spécifique à
Lyon, alors que Carin dispose, dès sa nomination au césarat, d’un seul buste courant (buste A) dont l’utilisation se poursuivit après sa promotion à l’augustat, deux bustes ordinaires sont utilisés pour Numérien Auguste: le premier, repris de sa période de césarat, est présenté drapé et
cuirassé vu de dos vers la droite (buste A2) et accompagné de la légende d’
avers IMP C M AVR NVMERIANVS
AVG et le second, spécifique à son augustat, est présenté
cuirassé, vu de
face, vers la droite (buste B) avec la titulature raccourcie
IMP (C) NVMERIANVS
AVG. Ces deux bustes se succèdent au cours de la sixième émission dans les deux officines dédiées à Numérien (B-Pax et C-Mars
Victor), dans une proportion d’environ un quart pour les bustes vus de dos (A 2). Ceci atteste d’une certaine durée de cette première phase, dans le droit
fil des frappes du césarat, avant que n’intervienne la modification du
type de buste utilisé et de la légende l’accompagnant, inaugurant ainsi une deuxième phase de l’émission.
Les divers éléments de cet
avers inédit permettent d’en situer la frappe probablement lors de la transition entre la première et la deuxième phase de la sixième émission (été 283). Le buste hérité du césarat étant abandonné, le choix d’un autre buste a donné lieu à une ‘méprise’.
Car en tablant sur une égalité protocolaire dans la cadre de la nouvelle collégialité
des Augustes,
Carus disparu, un buste drapé et
cuirassé de
face vers la droite (buste A) a été élaboré pour Numérien identique à celui de Carin. Mais c’est finalement un buste strictement militaire (
cuirassé vu de face-buste B) accompagné d’une titulature raccourcie qui a été utilisé pour celui-ci, laissant ainsi à Carin la préséance avec un buste drapé et
cuirassé (buste A). Il est à noter,
par ailleurs, l’existence d’un buste A de Numérien, similaire mais avec un
portrait plus tardif et la légende d’
avers IMP C NVMERIANVS
AVG, lui aussi utilisé dans la seconde officine avec le
revers FELICITAS AVGG et répertorié sous le numéro 594 du corpus de P.
Bastien. Ces deux ‘méprises’ (une troisième ‘méprise’ a conduit à doter, à
Lyon, Numérien
des épithètes P F -
cf. Bastien 363-) consistant à attribuer à Numérien un buste identique à celui de Carin sont intervenues lorsque s’est posée la question de la position protocolaire de Numérien Auguste, désormais co-empereur de plein exercice dans la dynastie à l’été 283 après la disparition de
Carus puis, à nouveau, lors de la prise du consulat conjoint (Carin/Numérien) au début de 284, après la crise de l’automne 283 (usurpation de Julien de Pannonie). Deux moments importants où la parité collégiale, symbolisée
par un buste identique, a pu être envisagée pour être aussitôt écartée à
Lyon: un indice supplémentaire du fait que la 6éme émission à
Lyon a probablement débuté quelque temps avant la disparition de
Carus et que celle-ci a rendu complexes les relations entre les deux frè
res Augustes et leurs entourages respectifs.